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Le Bloc-notes : in memoriam

“Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit.”
Charles Péguy – Notre jeunesse (1910)



Georges Pompidou derrière le général de Gaulle

 

« Qui n’a pas connu cette époque [l’immédiat après-guerre] ne peut imaginer ce qu’était le général de Gaulle aux yeux de ceux qui l’approchaient pour la première fois. […] Il apparaissait comme un être de légende, un héros mythique, un personnage hors de l’ordre commun. »

 

 In memoriam

 

« Mon père et ma mère appartenaient profondément à la race française, dure au travail, économe, croyant au mérite, aux vertus de l’esprit, aux qualités du cœur. Je n’ai pas eu une enfance gâtée. Mais, si loin que je remonte, je n’ai reçu que des leçons de droiture, d’honnêteté et de travail. Il en reste toujours quelque chose. […] Au lycée d’Albi, j’eus un maître exceptionnel, M. Delga. À neuf ans, sortant de sa classe, je possédais tout ce qui constitue l'acquis fondamental : orthographe et grammaire, me permettant d'écrire et de parler en français, notions de base d'arithmétique, calcul mental, histoire et géographie de la France. Plus tard viendra le reste qui s'agglutinera autour et en fonction de ce noyau dur : logique du raisonnement, connaissance de notre langue, amour de la patrie. Quel élève de nos écoles peut en dire autant aujourd'hui ? » Pour rétablir une vérité, Flammarion.

 

Ces lignes ont été écrites en 1968 par Georges Pompidou, mort il y a juste cinquante ans. Il fut Premier ministre du général de Gaulle, avant de lui succéder comme président de la République.

 

Notre république aime à commémorer, en particulier sous l’actuelle présidence. Mais au-delà de la célébration du souvenir d’une personne, d’un événement, quels enseignements en tirer ?

 

Comment ne pas être pris de vertige entre la situation de l’Éducation nationale il y a un siècle (on disait alors l’Instruction publique) et celle de nos jours ?

 

Que dire de la lecture, sujet déjà évoqué dans un précédent Bloc-notes ? La dernière étude du Centre national du livre évoque « un constat préoccupant d’une lecture de moins en moins présente dans le quotidien des jeunes, en particulier des adolescents ; 36% des 16-19 ans ne lisent pas du tout pour l’école, leurs études ou leur travail ».

 

Mes quatrièmes ont pu travailler, en Enseignement civique et moral (EMC), sur l’égalité républicaine, que l’on appelle aussi : égalité des chances, ascenseur social, méritocratie. Georges  Pompidou en était un modèle. Petit-fils de paysans d’Auvergne (« Du côté de mon père, tout le monde était paysan et pauvre, mais non misérable »), fils d’instituteurs, excellent élève doté d’une mémoire exceptionnelle, il prépare l’École normale supérieure au lycée Louis-le-Grand à Paris où il se lie d’amitié avec le futur président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Il est reçu premier à l’agrégation de lettres puis enseigne le français, le latin et le grec au lycée Henri IV. Il publiera, beaucoup plus tard, une Anthologie de la poésie française. Ce parcours le conduira à regretter les réformes dans l’Éducation nationale après Mai 68, en particulier l’abandon du latin en sixième : il était partisan, horresco referens, d’une “section d’élite”. O  tempora, o mores !

 

Après la Seconde Guerre mondiale, il entre au cabinet du général de Gaulle, chef du gouvernement, qui lui dédicacera, plus tard, sa photo avec la mention : « À Georges Pompidou, mon collaborateur depuis dix ans, mon ami, pour toujours ». Lorsque l’ancien chef de la France Libre fonde la Ve République et en devient le premier président, il fera appel à celui qui, entre temps, est devenu le directeur général de la banque Rothschild. Il le nomme Premier ministre, un poste où il restera plus de six ans, durée jamais égalée à ce jour.

 

Georges Pompidou est le seul président de la Ve République à être décédé en fonction. Atteint d’un cancer, il confie à son fils médecin : « Je ne croyais pas qu’on pouvait autant souffrir. Chez nous, on ne se couche que pour mourir. »

 

 

P.S. Cette chronique n’a rien de nostalgique, elle ne signifie pas que « tout était mieux avant », ou que « tout est foutu » pour reprendre la célèbre formule du Général. Les parcours d’anciens élèves du collège Saint-Joseph d’Aubervilliers prouvent le contraire. Je pense, entre autres, à quatre d’entre eux, des «descendants d’immigrés de deuxième génération» pour reprendre la typologie de l’Insee dans son étude parue en 2023 : Immigrés et descendants d’immigrés en France. Le premier, dont la famille vient du Bangladesh, est en sixième année de médecine. Deux autres, dont les familles sont originaires du Cambodge pour l’un et de Kabylie pour l’autre, sont en classes préparatoires à Henri IV. La dernière, d’origine égyptienne, est au lycée Louis-le-Grand. Ils ne sont pas de « race française », mais je peux témoigner qu’ils ont tous reçu de leur famille « des leçons de droiture, d’honnêteté et de travail ».


M. de Fraguier, 19 Avril 2024

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