Fleurs dans un cimetière pendant la période de la Toussaint
Une des caractéristiques du genre humain est le respect dû aux morts. Dans la préhistoire, les défunts étaient conservés près des vivants. Ainsi, sur le site néolithique de Çatal Höyük (Turquie), ils étaient ensevelis à l’intérieur des maisons.
Dans Antigone du dramaturge grec Sophocle, le roi de Thèbes Créon décide de punir son neveu Polynice d’avoir trahi sa cité en interdisant qu’on l’inhume. D’où l’expression « mourir comme un chien ». Antigone bravera cet interdit en enterrant elle-même son frère pour qu’il ne reste pas sans sépulture, estimant que c’est une obligation morale supérieure aux lois humaines.
La croyance en une vie après la mort, un “au-delà”, explique l’apparition des rites funéraires dans toutes les civilisations. Un des rites les plus connus étant la momification chez les Égyptiens (qui n’en avaient pas le monopole, rappelons-nous la momie de Rascar Capac dans les aventures de Tintin, Les 7 Boules de cristal). L’usage était aussi de placer dans les tombes des objets usuels, armes, bijoux, outils.
Le 2 novembre, l’Église catholique commémore les défunts. C’est une fête car, pour les chrétiens, les morts ressusciteront à la fin des temps, comme Jésus est ressuscité. Traditionnellement, les familles vont fleurir leurs tombes au cimetière qui est le lieu où reposent les trépassés dans l’attente de la Résurrection. C’est aussi, beaucoup d’élèves le savaient, le jour de mon anniversaire !
Le 1er novembre, ce sont tous les saints qui sont célébrés à l’occasion de la fête de la Toussaint qui est un jour férié. Un saint est d’abord un mort selon l’adage qu’il faut attendre la fin de la journée pour savoir s’il a fait beau. Les saints ne sont pas forcément des êtres d’exception, mais des hommes et des femmes qui cherchent toute leur vie à suivre l’enseignement de Jésus en témoignant de leur foi et en faisant le bien autour d’eux. Depuis les premiers chrétiens morts martyrs durant les persécutions romaines – comme saint Étienne ou saint Denis – jusqu’à nos jours, l’Église catholique propose la vie des saints comme modèle.
Avant d’être canonisé, les futurs saints sont déclarés “bienheureux”, c’est-à-dire qu’ils sont auprès de Dieu au paradis. En 2018 a eu lieu la première béatification célébrée en pays musulman, à Oran en Algérie, de 19 martyrs assassinés pendant la guerre civile (1994-1996), comme les sept moines de l’Abbaye Notre-Dame de l’Atlas à Tibhirine dont l’histoire est racontée dans le film Des hommes et des dieux.
Au Moyen Âge, c’était souvent le peuple de Dieu qui demandait (Vox populi, vox Dei) la sanctification par la formule latine « Santo subito », ce qui veut dire « qu’il soit fait saint tout de suite » (cette acclamation fut entendue lors de la messe des obsèques du pape Jean-Paul II en 2005).
Le 31 octobre, une partie des Anglo-Saxons ont coutume de fêter Halloween, ce qui signifie étymologiquement « la veille de la Toussaint ». Cette fête très populaire aux États-Unis comme j’ai pu le constater lorsque je travaillais dans le Midwest (c’était au siècle dernier) a été introduite en France il y a une vingtaine d’années pour des raisons purement commerciales. Elle a remplacé la fête du Mardi gras de mon enfance, la veille du mercredi des Cendres (se reporter au quiz : « Carême et ramadan » sur histoire-en-cours.com), où nous portions des masques d’acteurs célèbres, d’hommes politiques, de personnages de Walt Disney. Rien d’effrayant ni de morbide, mais une fête pour tous les enfants.
Dans mon dernier bloc-notes, En voiture Simone, j’évoquais la philosophe Simone Weil dont vous pouvez trouver sur histoire-en-cours.com un rapide portrait. Dans L’Enracinement, écrit pendant la Seconde Guerre mondiale peu de temps avant de mourir, elle décrit longuement ce qu’elle nomme “la maladie du déracinement” : « Parmi toutes les formes actuelles de la maladie du déracinement, le déracinement de la culture n’est pas le moins alarmant ». Toute maladie a ses symptômes. L’extrême confusion, en particulier sur le service public de l’audiovisuel, sur l’origine et la signification des différents cultes des morts est un symptôme de cette maladie du déracinement.
M. de Fraguier
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