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Le bloc-notes : Tu es Petrus

“Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit.”
Charles Péguy – Notre jeunesse (1910)


« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. »

Basilique Saint-Pierre au Vatican.



« Le pape est mort ! » À cette annonce, mon épouse se rappela cette comptine qu’on lui avait apprise dans son enfance : « Le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ! Quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ? » Attribuée au poète Jacques Prévert, adepte des jeux de mots et des calembours, gageons que le pape François en aurait ri de bon cœur.


Qu’est-ce qu’un pape ?

 

Le rite de la cérémonie d’inauguration d’un pontificat prévoit que le nouvel évêque de Rome se rend en premier lieu devant la tombe de saint Pierre située dans la basilique du même nom. Sur la coupole qui la surplombe est inscrit : Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. 

 

Ces paroles sont tirées de l’évangile de saint Matthieu et elles sont en latin, une langue qui n’est pas “morte” puisqu’elle est encore utilisée par l’Église catholique (cf. habemus papam). La traduction en français permet un jeu de mots facile : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je construirai mon Église ».



Mais le français n’existait pas dans la seconde partie du premier siècle de l’ère chrétienne et c’est en grec que furent écrits les quatre évangiles. Ainsi, le mot Église qui vient du grec ekklêsia, l’assemblée, ne désigne pas initialement un bâtiment ou une organisation, une institution, mais la communauté des croyants.

 

L’évangile de saint Jean nous apprend que Jésus donne à Simon, un de ses disciples, le surnom araméen, la langue parlée au Proche-Orient, de kephas, qui est traduit en grec et en latin par le mot pierre.

 

Dans l’évangile de saint Luc, Jésus précise à Simon-Pierre ce qu’il attend de lui : « Affermis tes frères ». Affermir, nous dit le dictionnaire de l’Académie française, c’est « rendre plus stable, plus solide », ce que permet un socle en pierre.

 

Après que Jésus ressuscité eût rejoint le Ciel, tous ceux qui continueront à suivre son enseignement, la communauté des croyants, l’Église, pourront s’appuyer sur les apôtres, et, en premier, Simon-Pierre.

 

Un pape est un évêque, c’est-à-dire un successeur des apôtres, en l’occurrence le successeur de Pierre. Comme l’a rappelé Léon XIV en célébrant sa première messe avec les cardinaux, le conclave n‘a pas élu un successeur au pape François, mais « au Premier des Apôtres ».

 

La mission d’un pape est donc toujours celle que Jésus avait donnée à saint Pierre, comme le confirmeront au XXe siècle les évêques du monde entier : le pape « est chargé de confirmer ses frères dans la foi » (concile Vatican II, constitution Lumen Gentium, 1964). C’est à cette aune que l’on doit apprécier l’action d’un pape. Mission d’autant plus difficile que, toujours selon Léon XIV, « nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes » ! Comment bâtir, confirmer, affermir, dans une “société liquide” pour reprendre la formule du philosophe Zygmunt Bauman ?

 

On peut donc imaginer que Jésus ait choisi un personnage exceptionnel. Que nenni !

 

Les évangiles nous racontent qu’après avoir fanfaronné en affirmant à Jésus que jamais il ne l’abandonnerait, Pierre refusa par trois fois de se reconnaitre comme son disciple pendant son procès : c’est ce que l’on appelle le reniement de Pierre qui a inspiré de nombreux peintres. Et pourtant, c’est sur ce même Pierre, et sur ses successeurs, que Jésus compte pour que son enseignement se poursuive après son Ascension. Curieux choix !

 

Dans une religion où Dieu se fait homme, un Homme que Dieu a voulu libre, il ne faut pas s’attendre à ce que la communauté des croyants, l’Église, soit constituée d’hommes et de femmes sans défauts. Le christianisme est un cheminement, comme le dit Pierre à Jésus : « Nous avons tout quitté pour te suivre ».

 

Où en est aujourd’hui cette Église fondée il y a près de 2.000 ans ? Voici ce qu’en disait le cardinal Joseph Ratzinger il y a vingt ans en prêchant le Chemin de croix au Colisée de Rome : « Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part ». Puis, faisant allusion aux scandales d’abus sexuels : « Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux dans le sacerdoce [les religieux] ». Non, l’Église n’est pas parfaite !

 

Un mois après, il est élu pape sous le nom de Benoit XVI. Ayant renoncé à sa charge huit ans plus tard, il donnera ce dernier message qui devrait être médité en cette année jubilaire intitulée « Pèlerins d’espérance » : « J’ai toujours su que, dans cette barque, il y a le Seigneur et j’ai toujours su que la barque de l’Église n’est pas la mienne, n’est pas la nôtre, mais est la sienne. Et le Seigneur ne la laisse pas couler ; c’est lui qui la conduit, certainement aussi à travers les hommes qu’il a choisis, parce qu’il l’a voulu ainsi. »

 

C’est ce réalisme et cette humilité qui permettent aux catholiques de dire ensemble, debout et à voix haute, au début de chaque messe : « Je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission ».

 

M. de Fraguier


Le reniement de Pierre, Carl Bloch, XIXe s. 

 

« Alors, Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : “Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois” ». Évangile de saint Matthieu 

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